Kinderzimmer

16 janv. 2021




En 1944, le camp de concentration de Ravensbrück compte plus de quarante mille détenues. Dans les baraquements, chaque femme doit trouver l'énergie de survivre, au plus profond d'elle-même, puiser quotidiennement la force d'imaginer demain. Quand elle arrive là, Mila a vingt ans. Elle est enceinte mais elle ne sait pas si ça compte, si elle porte une vie ou sa propre condamnation à mort.

Sur ce lieu de destruction, comme une anomalie, une impossibilité ; la kinderzimmer, une pièce dévolue aux nourrissons, un point de lumière dans les ténèbres.


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Kinderzimmer de Valentine Goby
Éditions Babel, 2015 - 224 pages - 7,80€


: L'écriture m'a posé problème pendant une bonne partie de la lecture.

 : La manière directe que l'autrice a choisie pour nous parler du quotidien dans les camps.
Au final, beaucoup d'émotion pour l'histoire de Mila, celle de toutes ces femmes.


Après Les indésirables (roman graphique de Kiku Hughes, chez Rue de Sèvres, parlant du sort des nippo-américain.e.s durant la Seconde Guerre mondiale), je reste à la même époque, mais sous un angle différent.

 Kinderzimmer est l'histoire de Suzanne. Oh, retrouver Mila, qui n'avait pas de mémoire. Mila, pur présent. Elle revient sur celle qu'elle était en 44, jeune femme enceinte, emprisonnée, déportée au camp de Ravensbrück. Jeune Mila, alors, qui prend conscience des faits au fil des jours. Jeune Mila qui n'a pas encore le recul qui lui permettra de nommer ces difficiles étapes de sa vie. Jeune Mila qui va devoir mettre au monde un enfant ici...
"Pour Mila rien n'a de nom encore. Des mots existent, qu'elle ignore, des verbes, des substantifs pour tout, chaque activité, chaque fonction, chaque lieu, chaque personnel du camp. [...] Une langue qui nomme, quadrille une réalité inconcevable hors d'elle-même, hors du camp, on traque chaque recoin comme un faisceau de torche. C'est la langue concentrationnaire, reconnaissable de Ravensbrück à Auschwitz, à Torgau, Zwodau, Rechlin, Petit Königsberg, sur tout le territoire du Reich. Nommer, ça va venir, ça vient pour toutes. Le camp est une langue."
Les phrases s'enchaînent et forment souvent un "bloc" (ce terme, en particulier, qui m'est venu très vite en tête, fait écho à une phrase dite par Suzanne à la fin ; la vérité est un bloc). Certes, ça ne rend pas la lecture toujours très facile, mais j'ai apprécié le lien fait entre le fond et la forme. Quand je dis que ça ne rend pas la lecture aisée, c'est au point que j'ai envisagé d'abandonner le livre tant j'ai eu du mal avec l'écriture...
"C'est trop de coups à la fois : les hurlements, les chiens, la nudité, les poux, la faim, la soif, les sélections pour la mort, les balles dans la nuque, le Revier, les empoisonnements, le travail qui tue, les lapins, la grossesse, les bébés invisibles, chaque révélation fait surgir de nouvelles questions qui étendent le champ de l'ignorance, de la terreur, et Mila sent bien que les coups vont pleuvoir encore."
La reconstitution de l'époque, de la vie au camp, semble grouillante de véracité - et de ce fait, également très anxiogène. Ces va-et-vient, cette incertitude permanente, les infâmes conditions de vie, les quelques actes de résistance et de soutien entre prisonnières, les maladies, le peu de nouvelles de l'extérieur, etc.
"À Ravensbrück l'Allemagne a droit de vie et de mort sur toutes choses. Et aussi, et contre ça tu ne peux pas lutter à coups de mitraille et de phosphore, il y a : la maladie, le froid coupant, la faim. Une guerre dans la guerre." 
Bref, le style d'écriture a du caractère et fait écho à ce qui est raconté, mais il m'a aussi donné du fil à retordre et l'envie de lâcher le roman. Alors, je n'en ressors pas entièrement convaincue. Mais, indéniablement, avec l'histoire de Mila, et de tant d'autres femmes, hommes, enfants, bien en tête... Une lecture marquante.


 En quelques mots...
Seconde Guerre mondiale | Camp de concentration | Quotidien | Ignorance | Survie

Commentaires

  1. C'est le type de roman que j'évite pour le moment parce qu'ils sont trop poignants et difficile psychologiquement parlant. Mais, merci pour la découverte :).

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    1. C'est sûr qu'il vaut mieux être dans de bonnes conditions pour lire ce genre de livres...

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  2. Il me semble que mon frère et ma mère l'on lu (je confond peut-être avec un autre titre sur le même sujet). Je vois ce que tu veux dire avec les "blocs" qui peuvent être un frein à la lecture. Une mise en page condensée a aussi tendance à me décourager

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    1. C'est vraiment ça... C'est dommage, mais ça rend la lecture moins "agréable".

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  3. Je l'ai lu il y a quelques année et j'avais eu beaucoup de mal, tant dans l'écriture que dans le sujet... Comme tu dis, c'est une lecture marquante !

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    1. Oui, même s'il est difficile à lire, il reste en tête.

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  4. Oula, je comprends que cela soit difficile de comprendre lorsque les phrases et passages ne sont pas espacés... Je pense que j'aurais dû mal moi aussi avec cette forme.

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    1. Je suis tout de même contente d'avoir persévéré ;)

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  5. Ce n'est pas trop mon genre de lecture, pourtant tu me rends vraiment curieuse :)

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    1. Il mérite le détour, même si je n'en ressors pas entièrement satisfaite.

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  6. Ce que tu dis sur le style d'écriture ne me tente pas spécialement, mais l'histoire semble touchante :)

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    1. Je peux comprendre... Ca m'a vraiment posé problème aussi.

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  7. À sa sortie, il me faisait très envie alors que je n'aime pas forcément ce sujet en littérature. Le style a l'air particulier mais je pense que je le lirai un jour.

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    1. N'hésite pas à revenir me dire, si jamais tu le lis ;)

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Merci beaucoup pour votre passage par ici et votre commentaire ♥